La duchesse arpentait les couloirs du château, la main posée sur son ventre tendu, à la recherche de son époux. Cette grossesse n'inquiétait pas la future maman, elle avait déjà donné un enfant à son époux, un fils, un héritier. Pourtant, cette grossesse inattendue tombait mal alors que la famille Black installait difficilement leur pouvoir sur les terres du duché de Buckingham. Cette grossesse avait été une surprise. Une agréable surprise mais qui chamboulait sa manière d'imaginer son futur. Soudainement, la duchesse se plia en deux, ses traits subitement marqués par la douleur, ses mains jointes sur son ventre rond. Elle cria, appelant à l'aide, et, escortée par des serviteurs, retrouva le confort de son lit, l'intimité de la chambre conjugale. Elle savait déjà comment tout allait se passer: on préviendrait son époux qu'elle était en plein travail et ce dernier arpenterait les couloirs en attendant qu'on lui annonce la naissance de son deuxième enfant. Quand à elle ... Elle ne pouvait qu'attendre, attendre que l'enfant descende, attendre de pouvoir pousser pour le sortir de son corps. La surprise était totale: cette grossesse, le sexe de l'enfant, mais aussi son arrivée, quelques semaines plus tôt que prévu. Allongée dans son lit, dévêtue de ses jupes et bijoux, la duchesse gémissait. Le ciel s'était couvert, l'orage ne tarderait pas, répétait l'une des guérisseuses qui s'activait autour d'elle. Mais la noble dame s'en fichait. Malgré la première grossesse qu'elle avait vécut, elle ne parvenait à s'habituer à la douleur et transpirante dans sa chemise de nuit, elle se surprit à espérer que celui ci vienne vite. Après plusieurs heures, la sage femme lui ordonnait de pousser et, plus tard encore, épuisée, elle ferma les yeux alors qu'elle entendait les premiers cris de son bébé. Se redressant sur ses coudes, ne faisant aucunement fît du sang qui maculait les draps, elle réclama l'enfant. L'une des guérisseuses était sortie prévenir de la naissance, dans quelques instants la porte s'ouvrirait sur son époux. On lui porta le bébé, gigotant et criant dans la serviette blanche qui l'emmaillotait. «
C'est une fille, ma dame. » La duchesse hoqueta, elle aurait aimé donner un second fils à la famille, mais elle posa un regard, attendrie malgré tout, sur l'enfant. Elle entendit son mari avant de le voir et, lorsqu'il passa la porte, elle lui offrit un sourire épuisé mais heureux. Il vint s'installer près d'elle, embrassant son front avant de laisser ses doigts parcourir la joue du nouveau-né. «
Cassiopée. » dit-il alors.
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«
Mademoiselle Cassiopée. » cria la servante tout en lui courant après. Âgée de cinq ans, la petite fille, toujours accrochée à sa poupée, riait au éclat, échappant aux tentatives de la jeune femme de l'attraper. «
Votre père vous attend, il vous faut être présentable ! » justifiait-elle sans comprendre combien ses mots étaient dénués de sens pour l'enfant qui préférait jouer dans sa chambre plutôt que d'affronter l'ennui qui l'attendait dans la grande salle auprès de son père. «
Cassi ... » soupira-t-on alors. Cessant immédiatement sa course à travers la chambre, Cassiopée se tourna vers la porte dans l'encadrement de laquelle se trouvait Sirius. La benjamine sauta dans les bras de son aîné qui, s'approchant de la servante essoufflée, la congédia avec sourire, prenant en charge le tempérament taquin de sa jeune soeur. Accompagnant l'enfant jusqu'au banc de la coiffeuse, Sirius attrapa la brosse et entreprit de défaire les noeuds qui s'étaient installés dans la chevelure noire de la petite fille. Grimaçant alors que le peigne lui tirait les cheveux, Cassiopée n'en resta pas moins silencieuse, bien plus docile avec sa chambrière, sage sur son banc, observant le reflet de son frère dans le miroir. «
Tu devrais cesser d'importuner Marta ... » lui dit-il calmement, continuant son ouvrage pour redonner de l'ordre à la chevelure désordonnée de l'enfant. Un noeud particulièrement récalcitrant la fit pousser un petit cri et elle sentit quelques larmes humidifier le bord de ses paupières. «
Un jour, tu partiras et ce sera à toi de faire honneur aux Black en étant le visage de notre nom. » ajouta-t-il. Pour Cassiopée, cela lui paraissait bien loin ... De deux années son aîné, Sirius envisageait des choses que l'enfant ne pouvait comprendre, son univers se réduisant à ce château. Elle se contenta d'hocher la tête, se promettant d'en parler avec Père. Père savait tout. Père était toujours gentil avec elle. Parfois, il la prenait sur ses genoux et l'écoutait parler. Sirius posa la brosse sur la table, caressant les cheveux de sa petite soeur, il lui adressa un sourire, via son reflet dans le miroir. «
Et voilà, tu es très jolie ! Aller viens, Père nous attend. »
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Cassiopée ? » appela la voix forte du patriarche Black dans la demeure. La jeune adolescente de douze ans quitta des yeux son ouvrage, reposant cadre à broder et aiguille sur la table d'appoint jouxtant le fauteuil dans lequel elle se trouvait. Descendant l'escalier de la demeure, la sorcière se retrouva dans le grand hall où se trouvait son père t son frère. Sirius suivait le Lord Bukingham comme son ombre depuis qu'il était en âge de prendre son rôle d'héritier à bras le corps. Pour l'heure, il ne s'agissait pas de leçon compliquées: l'enfant était encore jeune, mais il acquerrait légitimité et connaissance malgré tout. «
Père. » salua la jeune fille en s'inclinant révérencieusment face au chef de famille, tirant un sourire à ce dernier. Sa peau pâle contrastait avec ses cheveux noir de jais: bien qu'encore jeune, Cassiopée promettait d'être une jeune femme d'une grande beauté, à l'image de sa mère. La Duchesse avait toujours été très fière de son physique avantageux: jouvencelle anglaise en visite en France, elle avait été un parti des plus prisés de la cour française avant que ne soit célébré son mariage avec un fils de la famille Black. Même si les années n'avaient pas épargné cette trentenaire, elle prenait grand soin de sa beauté fanant peu à peu, enduisant sa peau d'onguents en tout genre, prenant différents remèdes qui faisaient parfois grimacer Cassiopée. «
Comment se déroule tes leçons de latin ? » demanda le noble à sa plus jeune enfant, dans un français impeccable. Cassiopée eu un sourire: son père lui faisait régulièrement ce genre de test, vérifiant ses connaissances et la maitrise de son éducation. Depuis son plus jeune âge, la petite apprenait la langue maternelle de la famille de son père, le français, ainsi que le latin en plus des cours magique qui lui étaient dispensés avant son entrée à Poudlard. «
Merveilleusement bien, Père. Mon précepteur estime que nous pourrions maintenir une conversation fluide sans problème. » affirma-t-elle dans la même langue, arrachant un rictus satisfait à l'homme qu'elle cherchait à impressionner. Sirius apprenait à devenir un grand seigneur, Cassiopée deviendrait une incontournable de la cour. Il posa sa main rugueuse sur les cheveux noirs de l'adolescente. Les quatre sorciers de Poudlard avaient peut être raison: leur Choixpeau était d'une efficacité redoutable et avait fait un choix des plus éclairé en confiant Sirius à la Maison Serpentard et sa douce Cassiopée à la protection de Lady Serdaigle. Tout en quittant sa fille, le seigneur Buckingham songeait aux opportunités qui s'offraient à son nom, si tout se déroulait selon son plan.
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«
Toutes nos condoléances. » affirma l'homme avant de s'effacer pour laisser la place au suivant d'une longue ligne de sorcier venus rendre hommage au couple ducal disparu. La pluie tombait, claquant contre les carreaux de la bâtisse. Cassiopée, son voile de dentelle noire couvrant son visage, se concentrait sur ce bruit. Comme anesthésiée, elle gardait un visage impassible, froide dans sa beauté, quelques centimètres derrière Sirius, propulsé duc de Buckingham. Il était trop jeune. Ils étaient trop jeunes. Elle tenta de se remémorer comment ils avaient pu en arriver là, comment en une semaine leur vie avait-elle pu basculer de la sorte. Tout s'était passé si vite: cette invitation, le départ de leurs parents, l'annonce terrible et soudaine de leur mort. Un vol, disait-on, un larcin qui avait mal tourné, coutant la vie au Lord puis, à son épouse qu'il tentait de protéger. Le premier jour, Cassiopée s'était effondrée: elle avait pleuré une partie de la journée, inconsolable tandis que Sirius prenait en main les funérailles à organiser. Le second jour, elle s'était reprit: toujours fragile, elle s'était rendue aux côtés de son frère, cherchant à comprendre ce qui allait advenir d'eux désormais. Le troisième jour, Cassiopée était métamorphosée. Telle l'une de ces statues romaines de pierre blanche, la sorcière s'était murée dans un silence des plus troublants, ombre d'un seigneur trop jeune, discrète enfant dont le regard avait muri trop vite. Immobile depuis plusieurs heures, voir Sirius se retourner vers elle alors que les elfes de maison fermaient les portes du manoir, fut le signal pour elle de bouger. Un mouvement douloureux fait de fourmis parcourant ses jambes, ses bras ankylosés. D'un geste, elle ôta son voile de dentelle, observant de son regard noisette, la silhouette fraternelle. Ils n'étaient plus que deux désormais. Deux enfants dans un monde cruel. Deux enfants face à l'ambition héréditaire de leur nom. Franchissant quelques pas, Cassiopée prit la main de son frère dans la sienne. Leurs regards se croisèrent et ils surent. Ils pourraient compter malgré tout l'un sur l'autre, ils se hisseraient jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir et ils graveraient leurs noms dans l'histoire du monde magique.