Aton avait passé une bonne partie de la nuit à écouter la pluie tomber sur le toit de son abri, incapable de trouver le sommeil à cause du flux important de pensées qui polluait son cerveau. La dernière pleine lune avait été rude. Au vu des multiples blessures qui zébraient son corps, il avait dû faire une mauvaise rencontre, peut-être des acromentules. Heureusement pour lui, la magie du sang lui avait permit de récupérer bien plus vite qu’il l’aurait fait naturellement aussi, à l’aube, même s’il restait méchamment contusionné, il avait été en capacité de se mettre en chasse.

Le “ partenariat “ qu’il avait établi avec les centaures quelques années plus tôt lui permettait de jouir d’une meilleure qualité de vie que s’il s’était obstiné à demeurer solitaire et, même s’il se refusait toujours à assumer pleinement le rôle de chef de meute, poste qu’il avait pourtant naturellement acquis, il devait bien avouer que la présence de ses compagnons humains, de plus en plus nombreux, donnait aussi un sens nouveau à son quotidien.

Au bout d’une trentaine de minutes de marche, il avait repéré un chevreuil, qui se délectait de jeunes pousses à quelques centaines de mètres de sa position. Pour éviter de l’alerter, il s’était agenouillé derrière un buisson puis il s’était rapproché de lui en catimini. S’il avait été moldu, il aurait du s’équiper d’un arc, le bander et prier pour ne pas rater sa cible. Puisqu’il était un mage, la mise à mort de ses proies était grandement facilitée. Il suffisait d’un sort, à peine murmuré, pour que la bête s’effondre, sans douleur. Rapide et efficace.

Satisfait de sa prise, Aton l’avait mise en lévitation pour être en mesure de la transporter sans difficultés mais il s’était interrompu dans sa tâche lorsqu’il avait perçu une odeur qui lui était inconnue, mais qui appartenait sans l’ombre d’un doute à l’un de ses semblables. S’agissait-il d’une énième nouvelle “recrue” ? Prudent, même s’il ne sentait aucune animosité, il avait mis sa viande de côté avant de se décider à aller à sa rencontre.

Bientôt, il s’était retrouvé face à une adolescente chétive, trempée jusqu’à l’os. Ses vêtements laissaient penser qu’elle appartenait à une famille aisée et, pourtant, elle ne semblait pas gênée de se retrouver en pleine nature, à la merci de bon nombre de dangers qui auraient du lui être inconnus. C’était pour le moins étonnant.

- Vous semblez bien loin de chez vous… Puis-je savoir ce qu’une lady fait seule au beau milieu d’une forêt ?

Il parlait un anglais très correct malgré son statut de manant mais il ne s’était pas encombré avec des courbettes et autres salutations excessives. Après tout, il se trouvait sur son territoire et il ne connaissait rien des intentions de son interlocutrice...

Aton était curieux de connaître l'histoire de son interlocutrice mais il ne voulait pas l'accabler de questions dès leur première conversation. Étant lui même pudique et méfiant, il savait à quel point cela pourrait être inconfortable pour elle.

Lorsqu’il avait son âge, il n’était pas du tout à l’aise avec son statut de lycanthrope, d’autant qu’il s’était retrouvé livré à lui même dans une contrée inconnue et que, de ce fait, ce “problème” n’avait pas été le seul qu’il avait eu à gérer. La gamine qui lui faisait face paraissait au contraire sûre d’elle. Cela lui avait laissé penser qu’elle devait avoir été contaminée depuis longtemps, mais aussi qu’elle avait certainement déjà traversé des épreuves difficiles avant d’arriver jusqu’à lui.

- Je suis Aton et je suis effectivement un loup.

Même s'il acceptait de respecter le jardin secret de l'adolescente, au prénom aussi étrange que difficile à prononcer, il devait s'assurer qu'il ne mettrait pas ses compagnons de vie en danger en lui offrant son hospitalité.

- Comme tu l'auras sans doute senti, je ne vis pas seul. Je ne serai donc pas l'unique décideur.

Même s'il ne perdait pas de temps en discussions en cas de danger indéniable, il aimait en général que les choix qui impactaient la meute et la horde soient faits en groupe.

- Si tu as des armes sur toi, je te demanderais de me les confier le temps de faire les présentations.

Il ne lui avait pas précisé tout de suite qu’elle allait être confrontée à des centaures car sa réaction face à eux pèserait également dans la décision de la garder ou non.

-Penses tu avoir été suivie ?

Si des paysans en colère ou d'autres individus belliqueux étaient susceptibles de leur tomber dessus, autant qu'ils soient au courant....

Aton avait toujours besoin d'un peu de temps avant de devenir familier avec les inconnus aussi, il n’appellerait pas immédiatement l'adolescente par le diminutif qu'elle lui avait indiqué mais il était effectivement bien plus simple à mémoriser que son nom entier. Lorsqu'elle lui avait appris que sa baguette magique était sa seule arme et qu'elle la lui avait tendue, il l'avait prise un instant entre ses mains et il l'avait brièvement détaillée. Il n'avait jamais possédé un tel objet mais il les avait toujours trouvés fascinants.

- Garde la.

Puisqu'il pratiquait la magie avec ses mains depuis sa plus tendre enfance, il était bien conscient que le morceau de bois n'était rien de plus qu'un canaliseur. Si elle souhaitait l'attaquer, ce qui était peu probable vu qu'elle n'était pas en position de force, Mada pourrait très bien le faire sans.

Rapidement après qu'il lui ait demandé si elle risquait d'avoir été suivie, la jeune femme avait changé d'odeur et la fréquence de ses battements de coeur avait augmenté. Elle venait d'avoir un pic de nervosité et Aton avait rapidement compris pourquoi.

Son récit était glaçant. Il était fréquent que les loups-garous soient considérés comme des monstres et chassés pour cela mais l'alpha ne supportait pas les gens qui s'acharnaient sur plus faible qu'eux et qui leur faisaient subir des sévices sans fin.

Un léger grondement s'était échappé d'entre ses lèvres lorsque Mada avait retiré sa chemise, dévoilant les marques qu'avait laissé son bourreau sur sa peau. Quel malade mental pouvait prendre plaisir à faire ainsi du mal à une enfant ? Il venait d'une famille aux moeurs tout aussi terribles mais il était toujours étonné par l'ampleur que pouvait prendre la folie humaine.

- Je suis désolé que tu aies eu à subir tout ça.

Constatant que sa vis à vis avait froid, il s'était défait de sa cape et il la lui avait tendue pour qu'elle puisse se couvrir avec un tissu sec en attendant de trouver mieux.

- Nous ne provoquerons pas volontairement ton chasseur mais s'il met les pieds sur notre territoire, il sera bien reçu.

Les centaures n'étaient pas connus pour leur délicatesse et lui même se montrait généralement impitoyable face à des ennemis abjectes... surtout à l'approche de la pleine lune, qui décuplait la colère et la combativité.

- Suis moi. Je vais te conduire jusqu'à nos habitations.

Il savait qu'il serait inutile de lui bander les yeux car les loups se servaient principalement de leur odorat pour s'orienter aussi, il s'était simplement mis en route vers le Nord, sans oublier de récupérer son chevreuil au préalable.