Isolés du reste des festivités - aucune envie d'être provoqué en duel - le frère et la sœur observait la scène qui se déroulait devant eux quand, traversant la foule, Madadh arriva vers eux en courant. Ce fut avec soulagement que Noreen senti l'étreinte de sa cousine. Un câlin plus tard, cette dernière lui dit, en gaélique évidemment: « Par tous les dieux… Comme tu m’as manqué… Il faut que je te présente Irène. C’est ma demie-sœur. Je suis désolé pour l’insulte… Elle est fiancée depuis peu… un peu sur les nerfs… Et je crois qu’elle était très jalouse de notre affection… J’ai mis longtemps à lui offrir la mienne. Elle… elle est gentille ! Un peu sèche, mais gentille. Il faut juste attendre que le chien galeux s’éloigne d’elle pour aller lui parler. Grand-frère ! » Noreen soupira: Et bien sur, cela justifiait une insulte à quelqu'un qu'elle ne connait pas? L'envie de gueuler et de faire comprendre la vie à l'autre se faisait sentir. « On y va ? Ou vous voulez attendre un peu ? »Ton "gardien" - à qui je réglerais son compte quand le moment sera opportun - semble occuper avec ta copine... Père et le reste de la meute sont dans une forêt non loin d'ici. Inutile de préciser qu'elle parlait toujours écossais?

« Je ne peux pas… Malgré toute l’envie que j’en ai… Il nous a lié magiquement, je ne peux pas trop m’éloigner de lui sans avoir l’impression de brûler vive. Il peut l’activer comme il le souhaite également… Et puis il me drogue… Tiens. Garde ça et essaye de trouver quelques choses pour purifier mon sang. » Evidemment, c'était trop beau pour être vrai. Croire qu'elle pourrait ramener Madadh à la maison sitôt après l'avoir retrouvée se révéla être une utopie. L'idée de laisser sa cousine avec cet espagnol lui donna des hauts-le-cœur mais Noreen savait que le choix n'était pas de vigueur. Elle allait devoir la laisser partir.
Au moins, savait-elle entre les mains de qui la malheureuse se trouvait. Sa main serra la fiole remplie de sang tandis qu'elle se servait de la libre pour soigner la plaie que Madadh s'était faite volontairement pour lui donner l'échantillon.

La situation était désespérée. Mais elle n'était pas perdue. La bataille avait échouée mais la guerre venait simplement de commencer. Tu reviendras à nous. Je t'en fais la promesse. Et si je dois devenir une meurtrière ou mourir moi-même pour y parvenir, alors: ainsi soit-il! Un loup n'a sa place que parmi les siens. Madadh n'avait rien à faire parmi les humains.
« J'ai été emporté si loin
Le temps n'avait plus d'importance
Tant qu'être loin de toi était une souffrance
Une seconde était une vie
Je dansais au milieu des orages et des éclairs
Ton souvenir faisait battre mon coeur
Me permettait de tenir encore un peu
Malgré les éclairs je continuais de prier
Pour te revoir
Pour forger de nouveaux souvenirs à tes côtés
Que ton amour efface les cicatrices des éclairs
Que tu effaces l'éternité sans toi
La solitude se dissipe
Au moins de tes sourires
Et te savoir encore en vie
Me donne l'espoir
D'à nouveau courir à tes côtés
Je danserais à nouveau avec toi
Qu'importe l'orage
Et ses éclairs
Il ne m'a jamais fait peur
Parce que mes souvenirs dansaient dans mon coeur
Qu'importe l'ouragan
Je te retrouverais encore et encore
Je danserais dans le vent
Pour qu'il me porte jusqu'à toi.
Je le jure sur mon sang »

Et tandis que la voix mélodieuse de sa cousine et sœur adoptive s'élevait dans les airs, les souvenirs remontèrent. Noreen revit sa vie à partir du moment où Caenar l'avait recueillie parmi les siens après la mort de sa mère. La première rencontre avec Madadh ainsi que le soutien de cette dernière suivi de près par celui de Murchadh. La joie de se savoir entourer et de réaliser que son existence comptait pour quelqu'un. Leurs jeux d'enfants. Les premières chasses ensemble sous la pleine lune. Puis le désespoir quand, rendant visite à sa famille, réaliser que sa tante était morte, le souvenir de la mort de sa mère revenant en force, réaliser que Madadh avait disparue s'en laisser de trace. Les années de recherche s'accumulant comme sa haine des Hommes. Ils étaient des loups. Vivre avec les humains étaient contre-nature, ça l'était encore et ça le sera à jamais. Voilà qu'elles étaient la réalité et la vérité. Les Hommes ne verraient jamais les lycanthropes autrement que comme des monstres. Qu'importe si ces derniers gardaient le contrôle pendant la transformation. En fait, c'était pire.
Pour certains, cela ne les rendaient que plus dangereux.
La meute autorisait les contacts extérieurs uniquement le temps d'une relation pour perpétuer la race. Un jour, peut-être, cela sera à Noreen de partager une nuit et espérer avoir un enfant au nom de la survie de leur espèce.

La chanson en ancien gaélique - parlé par les siens - se termina sous un dernier accord. Noreen ne chercha pas à retrouver Madadh. Il ne fallait pas attirer l'attention des humains et autres créatures présentes. Pour cette fois, Noreen était simplement la musicienne paysanne engagée pour faire part de son talent jouissant d'un pouvoir de guérison et qui s'était portée volontairement pour soigner une malheureuse. Et Madadh était uniquement Flore Juglar.

La louve ne s'aperçu qu'elle avait serré les poings quasiment à sang uniquement quand Murchadh vint en serrer un de sa main douce mais ferme. Noreen se détendit. Il n'y avait que lui pour la calmer. La première partie est finie. Rentrons. Père nous attends. Son frère ne rajouta rien. C'était inutile. Ils ne pourraient accomplir toute la mission ce soir. Ils allaient devoir quitter Madadh mais, cette fois, ce n'était qu'un au revoir. Ils s'en faisaient la promesse.
Les deux lycanthropes tournèrent les talons dans l'optique de quitter la pièce quand Noreen croisa un regard vert bleuté. Ha. Peut-être, mais pas ce soir. L'alpha attendait. Le frère et la sœur continuaient leur route.